Cinq plaintes pour violence ont été déposées contre des policiers par des étrangers enfermés dans le centre de rétention de Paris, a indiqué dans un communiqué jeudi l’Association Service Social Familial Migrants (ASSFAM).
Pour l’instant il n’est pas clair combien de flics sont impliqués ni les épisodes reprochés aux agents
(source AFP)
Quelques information de l’intérieur du centre. La situation est très tendues ces derniers jours après la révolte et les évasions du week-end passé. Dans les témoignages émergent les pratiques typiques de tout centre de rétention d’ Europe : droguer les détenus pour les rendre dociles et les flanquer en les privant du sommeil (les soi disant « appels » au milieu de la nuit )
Les paroles d’une personne retenue au centre 1 :
« Ce week-end, il y a trois personnes qui ont essayé de s’évader. Y’en a un qui s’est fait attrapé. Et les flics, ils l’ont massacré. Ils se sont échappés parce qu’ils avaient un vol le lendemain et c’est des gens qui n’ont personne dans leur pays. Ils ont perdu le contact avec leurs familles. Ils n’ont vraiment pas envie de rentrer, surement. C’est pourquoi ils ont fait ça. En plus, la bouffe, ici, c’est de la merde, c’est sale, c’est vraiment la merde. Franchement c’est galère !
Ils ont refusé de voir le médecin parce qu’ils n’ont pas de problèmes de santé, je pense. On en a rien à foutre des médecins. On, ils veulent la liberté. Voilà c’est tout ! Quand on va voir le médecin, ils nous posent des questions, si on a des problèmes, si on est suivi par des médecins dehors, quels médicaments on prend, par exemple. Moi par exemple, je fume beaucoup de shit, pas beaucoup d’alcool et j’utilise des cachetons. Le médecin a dit « ok ,on va vous donner des traitements » et la j’attends, je commence à être stressé. C’est pas bien…
Ici, y’a des médicaments qui calment, qui endorment, et un médicament qui rend fou. Y’a des gens ici qui n’ont pas l’habitude et dès qu’ils le prennent, ils deviennent fou, ils sont plus les mêmes. Les médicaments qu’ils donnent le plus, c’est du valium, et rivotril, des trucs comme ça quoi ! Des trucs qui te mettent en dehors de toi. T’es plus le même après, t’as plus de tension, t’es déprimé. Pour les gens qui n’ont pas l’habitude, c’est dangereux quand même. Ils peuvent faire n’importe quoi. C’est grave quoi !
Ils ont posé des questions au groupe (les évadés), « pourquoi vous ne voulez pas voir le médecin ? » ; Normalement, c’est pas obligé de voir le médecin. À l’arrivée, c’est obligé. Peut-être qu’ils l’ont déjà vu. Qu’ils ont pris des trucs. Ça les a rendu malade. Peut-être que c’est pour ça. Ils ont refusé de faire la même chose.
Les gens qui se sont échappés en avaient marre d’être ici. Ça faisait trente jours, d’autres vingt-cinq jours qu’ils étaient ici. Toujours la même bouffe. Il y en a qui ont maigri. Ils ont perdu des kilos avec le stress, et tout ça. Les gens n’ont pas l’habitude, en plus avec la bouffe de merde ! Y’en a qui ont vu que le lendemain ils avaient un vol. Y’en a qui sont devenus fou. Y’en a qui sont suicidaires aussi. Ils préfèrent mourir que rentrer chez eux. Parce que là bas, ils n’ont personne. Ils n’ont pas de famille. Ils vont crever de faim là-bas. Je te dis franchement, ici on mange. Même si t’as faim, tu vas n’importe où, à l’armée du salut, n’importe où, tu manges. Là-bas, il y a rien.
Même rentrer comme ça, sans rien, même pas d’affaires, même pas de sous. Franchement, ça fait mal au cœur. Si le mec il rentre tout seul avec son propre argent, avec sa femme et tout ; ou tout seul avec son argent, ça va. Mais rentrer comme ça, pas un euro en poche, pas de sape, rien du tout, les gens vont se foutre de sa gueule. Ça va mal se passer là-bas. Il va être obligé de péter un plomb, même tuer quelqu’un ! Et finir sa vie en prison, ça c’est sûr. Et c’est déjà arrivé. Rentrer comme ça, pas un sou, c’est la misère. Y’a des gens, ça fait quinze ans qu’ils sont ici et rentrer comme ça du jour au lendemain, c’est impossible !
Lors de l’évasion, y’a eut plein de renforts de police. Y’en a qui se sont fait attraper sur l’autoroute. Y’en a qui ont réussi a s’échapper. Les flics, ils courraient partout. Mais c’est les policiers d’ici, des frontières (police aux frontières), qui étaient dans le centre. Y’en a pas d’autres qui sont rentrés. Pour s’évader, ils ont réussi à casser une vitre. Les vitres, ici, elles sont incassables, je sais pas comment ils ont fait. Ils ont réussi à forcer le grillage petit à petit ; et voilà, ils se sont échappés. Ils ont grimpé aux grillages. Ils se sont fait du mal parce qu’y a des trucs qui piquent au grillage mais ils en avaient rien à foutre. Ils voulaient s’échapper et ils ont réussi. Par la vitre, il y a trois personnes qui ont réussi à s’échapper vendredi soir. Et samedi aussi, il s’est passé des choses, mais dans l’autre centre.
C’est des bâtiments séparés. C’est cinq personnes qui ont essayé de s’échapper et deux ont réussi. Vendredi ça s’est passé dans le bâtiment un et, samedi dans le deux. Moi, là, je suis passé en jugement ce matin. Ils m’ont donné quinze jours. Ce sont mes premiers. Après, ils vont me donner encore quinze jours. Ça va faire quatre jours que je suis ici. Ils m’ont arrêté comme ça. Contrôle dans la rue, dans le 19ème à paris. Je rentrais du travail. On était en train de discuter avec des potes et là ils sont venus : « Bonsoir monsieur, Contrôle d’identité… ». Mes potes avaient leurs papiers, pas moi. Ils m’ont embarqué. Vingt-quatre heures de garde-à-vue. Et voilà !
Moi ça va faire dix ans que je suis ici. j’ai toutes les preuves. J’ai tout ce qu’il faut. J’allais poser mon dossier à la préfecture. J’étais en train de faire des démarches. Mais là pas de chance. C’est la deuxième fois que je vais au centre de rétention. La première fois, c’était au mois de septembre. À Palaiseau. J’ai passé quatorze jours là-bas et ils m’ont laissé sortir. Ils m’ont donné une feuille comme quoi j’étais obligé de quitter le territoire français dans les meilleurs délais, mais j’ai pas eu le temps d’économiser pour me payer un billet. Je travail comme ça, au noir. Je me disais partir quelques mois, comme ça.
J’ai un peu de famille en Belgique. Passer quelques mois là-bas, juste histoire d’oublier et me faire oublier et ensuite revenir, faire les démarches, tranquille. Je me suis dit que peut-être pour le nouvel an et la nouvelle année, ça va changer. Mon OQTF, elle va plus fonctionner. Mais bon, de toute façon, voilà, là je suis ici. Malheureusement j’ai pas eu assez de temps.
Là, on est au moins soixante-dix ou quatre-vingt. On est dans des chambres de deux et quatre personnes. C’est petit. Les toilettes elles sont dehors. C’est la merde. Ça pue. C’est la misère. Y’a pas d’moral. Ça maigri. Ça mange pas bien. Y’a des gens qui font la grève de la faim. Là, y’a un gars, ça fait quinze jours qu’il n’a pas mangé. Il a maigri. Il a perdu je ne sais pas combien de kilos. Franchement, il ne mange plus rien. Il a maigri. Juste il fume et il boit le café. C’est tout. Il ne fait que ça. Je lui ai dit « arrête ! ». Il m’a dit « je m’en fous. Il faut que je sorte d’ici, j’ai pas envie de rentrer au bled », tout ça… Il se fait du mal juste pour sortir. Il a maigri, truc de ouf, on dirait je sais même pas moi… »
fermeturetention@yahoo.fr
Encore une lettre de la part des détenus
Nous, les sans-papiers du centre de rétention de Vincennes appelons à l’aide car en plus de l’expulsion injuste qui nous attend, les policiers nous maltraitent. En effet, toutes les nuits et même pas à heures fixes, il y a un appel de nos noms par le haut-parleur qui nous oblige à nous réveiller en plein sommeil (ça fait bien rire les policiers). Certains d’entre nous ont des blessures ou des maladies et on nous refuse tout accès aux soins médicaux. Qu’on ait des problèmes reinaux, intestinaux ou des maux de tête, c’est Dafalgan et « Va dormir ! » pour tout le monde.
Nous n’avons ni écoute, ni négociation par rapport à des gens qui ne devraient pas être ici. Par exemple, l’un d’entre nous est depuis 24 ans en France. On veut parler avec des responsables de nos situations et savoir pourquoi nous sommes emmenés directement de la garde à vue du commissariat au centre de rétention sans voir un juge.